Cabaret hors-série #4, juillet 2019, Retiens la nuit
Avec Béatrice Aupetit-Vavin, Imane Azmy, Mireille Bloyet,
Gaëlle Boulle, Marie-Anne Bruch, France Burghelle Rey, Michèle
Capolungo, Anna Maria Celli, Murielle Compère-Demarcy, Carole Dailly,
Delphine Dupré, Christine Durif-Bruckert, Eve Eden, Laure Escudier,
Jacqueline Fischer, Josiane Gelot, Elsa Hieramente, Michelle
Accaoui-Hourani, Marie-Philippe Joncheray, Cathy Jurado, Barbara Le
Moëne, Veronique Levy Scheimann, Coralie Mennella, Orianne Papin,
Emmanuelle Rabu, Isabelle Rolin, Martine Rouhart, Régine Seidel,
Luminitza C. Tigirlas, Marjorie Tixier, Nadine Travacca. Guest Pascale
de Trazegnies Chorégraphie Emmanuelle Rabu
Editorial
Le rêve de Virginie D par
Pascale de Trazegnies
(Paris, 2008)
À Virginie Despentes
Voici le rêve que j’ai fait cette nuit.
Je venais te voir dans un hôpital psy ou pour filles malades, je ne
sais plus, tu avais une chambrette comme dans les pensions pour filles,
qui donnait sur un couloir.
Au troisième étage.
Je sors de l’ascenseur et j’aperçois une fille malingre qui me regarde bizarrement.
Je frappe à ta porte et j’entends : « entre ». Et puis devant mon étonnement : « je t’attendais ».
Tu étais prête à partir. Le manteau. Les valises et tout ça.
En tenue sombre, avec tes longs cheveux noirs.
« C’est trop tard », tu m’as dit, « je pars ».
Nous avons dû partir ensemble, car après, nous étions dans un grand bus
à étage qui roulait dans une ville claire et déserte qui aurait pu être
Paris.
La ville était déserte parce que deux panthères noires s’étaient échappées.
On entendait ça dans un mégaphone qui crachait dans les rues.
Soudain, sur la gauche, on vit les deux panthères noires au milieu d’une large rue, tranquilles.
Le bus passa vite devant elles, qu’on fut peut-être les seules à
apercevoir, et je m’écriai : « oh, les jolis minous » !
Quelques secondes après, on aperçut une femme en pantalon noir et
dessus blanc, couchée sur l’asphalte le bras arraché (et sanglant).
C’était désolant.
Personne alentour.
Dans un mouvement d’exaspération, tu descendis à l’étage du dessous pour sortir du bus, en me lançant :
« T’es vraiment qu’une petite conne » !
Et je m’écriai, désespérée : « Ce n’est pas vrai. Tu te fies aux apparences ! » ou quelque chose du genre.
Dans la rue, c’était l’apocalypse.
Des hyènes, des chacals, des zèbres erraient dans la ville abandonnée.
La lueur était plombée et l’errance de ces bêtes presque mythiques semblait parfaitement néfaste.
J’étais désolée de te perdre.
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